Littérature : A la découverte du « trône royal » de Mgr. Nicodème Barrigah-Bénissan.
La pièce de théâtre « trône royal » a été l’ouvrage proposé ce mercredi par l’enseignant chercheur Dr. Anoumou Amékudji dans la chronique culture sur radio Kanal fm. Publié aux éditions Saint-Augustin en 2019 (Première édition par les Nouvelles éditions
africaine en 1993), l’ouvrage est sacré Grand prix de la littérature togolaise 2020, catégorie théâtre.
Un ou deux mots sur Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan, bien qu’il soit très connu au Togo ?
L’actuel archevêque de Lomé est connu mais on peut quand même préciser qu’il
est né le 19 mai 1963 à Ouagadougou et qu’il a été ordonné prêtre le 08 août 1987 pour le
compte de l’Archidiocèse de Lomé. Avant de devenir l’archevêque de la ville de Lomé, Mgr
Barrigah-Bénissan a été ordonné évêque d’Atakpamé, le 9 mars 2008. Mgr Barrigah-Bénissan
est un passionné de culture et particulièrement de musique. Son premier disque de chants
religieux produit lors de sa mission à la nonciature de Côte d’Ivoire, est intitulé « Père
pardonne-nous ».
Le trône royal de Mgr Barrigah-Bénissan, de quoi est-il question dans cette œuvre ?
Le trône royal est une pièce d’une soixantaine de pages en trois actes qui s’ouvre par un
prologue et se termine par un épilogue. Dans le prologue, la problématique de la pièce est
posée en ces questions : peut-on observer les traditions de son peuple lorsqu’elles se
transforment en un piège mortel pour soi-même et pour les autres ? Peut-on oser dire non aux
usages et pratiques hérités de l’histoire au risque d’être banni de son royaume ? Peut-on défier impunément les ancêtres ? Des questions graves dont les réponses se trouvent dans cette œuvre très intéressante et à la lecture passionnante.
En attendant que les auditeurs se procurent la pièce pour y découvrir la vraie substance, que pourriez-vous dire pour tenter de les appâter ?
En lisant Le trône royal, nous nous rendons compte qu’il y a dramatisation d’un conflit, dont
la source principale est la mort du roi. Les conditions de sa succession contribuent à donner à
l’intrigue un certain intérêt. En effet, selon les traditions, le roi décédé ne peut être enterré
seul. Dans l’au-delà il doit continuer à être servi comme il l’était de son vivant. Par conséquent, avant le couronnement de son successeur, il faut immoler trois enfants. Et ce sacrifice doit être l’œuvre de l’héritier pressenti. Dans ce cas précis, l’héritier désigné par le conseil des sages est Sédoéfia, le jeune frère du roi. Pour une fois dans l’histoire de ce royaume, cette pratique successorale est remise en cause, surtout parce que les trois enfants
capturés par les gardes pour le sacrifie, sont ceux de Sédoéfia et sa femme Adolé.
A cette étape du récit, Sédoéfia a-t-il effectivement sacrifié ses enfants pour les honneurs du pouvoir royal?
Sans trop garder le suspense, je peux préciser que Sédoefia a fait le choix de la vie de ses
enfants au détriment des honneurs liés au trône royal. Une décision difficile à prendre pour
nous les humains accrochés au matériel. « Je vénère les morts et je respecte la mémoire de nos
ancêtres. J’observe les traditions qui régissent notre peuple. Mais ma conscience refuse
d’accepter ce sacrifice qu’elle considère comme inutile », déclare Sédoéfia devant le conseil
des sages qui tenait à faire respecter la tradition. Convaincu de la nécessité d’insuffler un
souffle nouveau à la tradition, il affirme « Il me semble que le moment est venu de revoir
notre manière d’honorer nos rois. Pourquoi semer la désolation dans d’autres familles alors
que nous pleurons déjà la mort de notre roi ? »
Lors du café littéraire du 24 juin dernier au sujet du trône royal, le critique littéraire Guy Missodey concluant son exposé a demandé à l’archevêque s’il est féministe. Qu’a-t-il répondu ?
A cette question, Mgr Barrigah-Bénissan a répondu sans hésiter : « Je le suis très
profondément… » Dans Le trône royal, Mgr Barrigah-Bénissan a accordé une place de choix à la femme même si parmi les huit personnages, un seul est de sexe féminin. Bien qu’elle soit seule, Adolé a pesé de tout son poids dans la décision de Sédoéfia de mettre fin aux aspects sombres de leur tradition. Au moment où Sédoéfia se demandait quoi faire, Adolé lui dit avec fermeté « Une loi n’est vraiment juste que lorsqu’elle protège la vie de l’homme et un roi doit être en mesure de défendre son peuple contre des lois ou traditions meurtrières… » Ces mots d’Adolé ne sont pas très différents de cette phrase de l’épilogue qui dit précisément : « Mais il y a surtout une leçon à ne jamais oublier : les vrais courageux sont ceux qui luttent pour sauver la vie des autres au risque de perdre la leur ». Et je m’arrête ici aujourd’hui.