novembre 11, 2024

Récépissé No 0054/HAAC/07-2022/pl/P

LITTERATURE : Mieux comprendre « Le diseur de maux » de Gerard MAHINOU

Le diseur de maux, c’est l’intitulé du deuxième ouvrage littéraire de Gérard MAHINOU. Gérard est un écrivain togolais déjà connu du public littéraire par son recueil de nouvelles La foire des obsédés publié chez Awoudy. Le diseur de maux est une pièce de théâtre de 42 pages publiée aux Editions Azur. L’écrivain a changé de genre littéraire. Fait remarquable.

Je ne suis pas dramaturge, pas encore j’allais dire. Mais ma formation de littéraire me donne la caution d’oser dire que Le diseur de maux est une véritable pièce de théâtre. Une pièce poignante et originale. En trois tableaux. Simplement.

J’ai lu la précédente œuvre littéraire de Gérard. L’écrivain a une voix originale et personnelle. Dans Le diseur de maux, on peut ajouter que cette voix est intransigeante. Les personnages parlent avec sensibilité, radicalité. Les lecteurs liront dans cette pièce ou les spectateurs verront jouer sur scène cinq personnages : le psychologue, le fou, l’accompagnant, le gardien, Solim. Première remarque : tous les personnages sauf Solim n’ont pas de noms propres. Seconde remarque : Ces êtres ne nous sont pas inconnus. Nous les écoutons parler chaque jour. Nous les croisons ou les voyons marcher dans nos rues tous les jours. Nous demandons parfois même leurs services.

En effet, le fou est en septième année de médecine. Il tombe amoureux de Solim. Fait naturel. Mais, Impossibilité d’amour. Parce que le père de celle-ci ne tolère pas que l’amant de sa fille soit de l’ethnie d’un adversaire politique. Quelle bassesse ! Solim part pour Venise. C’est cette déception amoureuse qui conduit « le fou », comme le nomme l’auteur, irrésistiblement à la folie. Son psychisme est désorganisé. Il perd sa lucidité. Son ami l’accompagne chez un psychologue. Au cours d’un entretien clinique avec le psychologue, le fou accompagné de son ami met à nu les problèmes de nos sociétés. L’on y voit un monde gangrené et mortifié par la misère où même vivre devient presqu’impossible. Chose triste. On y voit exposées les souffrances quotidiennes les unes après les autres. On y voit les maux et vices sociaux alignés. On y voit évoquées les injustices de tous bords. Des discriminations sous toutes ses formes. Imaginons qu’il nous soit catégoriquement impossible de bouloter après nos longues études, dans un pays. Qu’il nous soit complètement impossible de vivre l’amour et de faire foyer. Qu’il nous soit radicalement difficile de trouver le pain quotidien. Qu’il nous soit interdit d’être libre : liberté d’expression, liberté d’opinion, liberté de pensée. Ça frustre. Ça déçoit. C’est ce que vit le fou tout le long de cette pièce.

Originalité et innovation. Je veux dire : l’écrivain rompt avec la tradition scripturaire. Transgresse de peu les canons traditionnels du théâtre. Innove. Crée. Il opère un mélange de genres flagrant : il invite dans le texte théâtral le langage poétique. Je crois que c’est véritablement ça le rôle d’un écrivain : innover et créer. Inventer et réinventer. Je voudrais exprimer mon admiration que Gérard transporte dans le genre théâtral son gène poétique. Il a un gène poétique, cet écrivain. Il écrit simplement mais profond. Avec élégance. Avec minutie. Toute la pièce est mouvementée. Les dialogues sont bien construits. Ainsi que les personnages.  Les personnages ont un langage poétique. Ils charment. Ils expriment tantôt le désespoir. Tantôt l’espoir. Tantôt la déception. Tantôt l’amour. En témoigne l’extrait suivant :

« Pourquoi m’avoir arraché mon trésor ?

Qui était pour moi de l’or

Lorsque je m’apprêtais à lui offrir un bracelet en or

Pourquoi m’arraché ma belle marquise

Que j’ai au prix de moult tribulations conquise

En l’envoyant à Venise » P.37-38

L’écrivain fait refléter dans sa pièce les différentes facettes de nos sociétés. Il les dénonce habilement mais aussi prudemment. C’est par prudence qu’il a créé le personnage fou avec une psychologie déconcertante qui exprime des points de vue les plus révolutionnaires. Il montre la fange dans laquelle nous essayons chaque jour de nous enliser un peu plus. Chose que certains n’aiment pas. Il aborde des thématiques telles que : le chômage, le malaise social, l’injustice, l’éducation, le civisme, la fragilité de l’appareil médical etc. C’est quand même osé, une bonne audace, de traiter de ces thématiques. Parce que ce sont des thématiques sensibles, très. Le contexte social et politique de l’auteur n’est pas à perdre de vue.

Pour finir, je convie tout le monde à lire Le diseur de maux qui expose nos maux et nous invite à en trouver des remèdes.

FAMBI Kokou Isaac, écrivain romancier

Président du Club Littéraire de l’Université de Kara.         

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