Litterature:Traces de parcours d’Anas Atakora, un récit autobiographique qui glace tout lecteur qui vient d’en bas.

Dans cette chronique culture, Isaac Kokou Fambi, écrivain romancier et homme de lettres décrypte, commente et analyse le roman « Traces de parcours » de l’écrivain togolais Anas Atakora, vivant actuellement au Canada.
Qui est Anas Atakora ?

Anas Atakora est écrivain, poète togolais, critique littéraire et universitaire résidant au Canada depuis 2014. Il est titulaire d’un master obtenu à l’Université de Lomé et d’un doctorat en littératures francophones africaines soutenu à l’Université de Dalhousie (Canada). Il est actuellement enseignant à l’Université Saint Francis Xavier à Antigonish (Canada). Ecrivain prolifique, il est auteur de plusieurs œuvres au rang desquelles En attendant le poème (2015), Monts et rêves (2013), Ceux qui m’accompagnent au large (2017) etc.
Pour comprendre Traces de parcours…
Traces de parcours est un récit autobiographique. Son auteur y livre sa vie. Ses expériences, agréables et désagréables. Ses allers et retours. Ses tours et détours. Ses va-et-vient. Le lecteur, pour comprendre cet ouvrage ne doit donc pas le lire comme les autres ouvrages de fiction. Pour le comprendre, être un grand et bon lecteur est insuffisant. Être un passionné de lecture est insuffisant. Être un critique littéraire est insuffisant. Sa compréhension exige quelque chose d’autre : il faut avoir du cœur, une oreille qui écoute, des yeux qui voient, de la sensibilité, de la compassion, de l’expérience, une âme attendrie, un esprit.
Anas, une plume mature…
La plume de l’auteur de Traces de parcours est sensible. Il écrit naturellement simple. Avec élégance. Avec minutie. Avec dextérité. Il décrit avec précision et raconte avec assurance. Il sait choisir les mots. Il sait les placer. Son style d’écriture est assez fluide, suave et ravissant. Chaque lecteur prend du plaisir à le lire. Anas, dans Traces de parcours, semble ne rien dire mais dit tout, semble ne rien raconter mais raconte tout. Il aborde de sensibles thèmes avec hardiesse. Il a atteint, avis subjectif, une certaine maturité qu’un écrivain n’acquiert forcément pas à son âge. Il n’a que trente ans.
Que dit-il dans Traces de Parcours ?
Il raconte sa propre vie du début jusqu’à la fin de l’œuvre. L’œuvre compte en tout 79 pages, éditée par Awoudy en 2019. Elle comporte 19 chapitres. Dans chaque chapitre, il parle soit d’une facette de sa vie, soit de son pays, soit de ses voyages, soit de ses expériences, soit des personnes qui ont marqué sa vie ou qui y ont joué un rôle déterminant, soit des faits, soit de ses idées, de ses vécus. Il commence le récit par ses conservations eu avec un de ses élèves, Aziz
B., au lycée alors qu’il était encore enseignant dans un lycée de Lomé. Il était le confident de Aziz. Aziz lui parle de ses problèmes de famille, de sa misère, de son père décédé, de ses souffrances et efforts. Dans cette conversation, Anas nous fait savoir qu’il est issu, lui-même, d’une famille pauvre où même manger était un combat. Il écrit à la page 14 : « Nous étions tellement pauvres que très souvent, mon repas consistait à imaginer que j’ai mangé ». Il évoque donc à cet effet l’importance de l’imagination dans la vie des hommes, notamment des démunis. Pour lui, c’est l’imagination qui nous permet de rêver et de concrétiser ce rêve.
Il nous apprend beaucoup de choses sur sa vie. Il nous dit qu’il est né à Anonoè, village du Togo près de Badou, qu’il a grandi sous les ailes de Maman Mery, la coépouse de sa mère, que sa maman l’a laissé partir à sept ans, qu’il parcourait six kilomètres pour atteindre son école à l’époque, qu’il a survécu grâce à maman Mery, à la chasse aux oiseaux , à la fouille aux escargots, qu’il voyage toujours avec des livres et des préservatifs, que ses amours sont souvent chaotiques, qu’il va parfois à vélo à l’université au Canada, qu’il a enseigné dans un lycée de Lomé, que le professeur K.A (initiaux de Kangni Alem) lui passait des livres, qu’il a perdu un de ses amis en 2005 etc. Il nous apprend aussi qu’il fut l’étudiant du Professeur Kangni Alem, qu’il n’avait pas d’argent pour s’acheter des livres, même des miettes pour payer les frais de bibliothèque pour y avoir accès et plein d’autres.
Le récit fait voyager le lecteur avec son auteur au Canada, à New-York, au Mexique, Chicago… Bien qu’étant un récit autobiographique, ce livre est un livre de développement personnel, de motivation, de conscientisation. L’on pourrait se demander : pourquoi parle-t-il de sa vie ? C’est parce qu’il veut conseiller ses jeunes frères vivant dans les mêmes conditions, les encourager, les motiver, les soutenir etc… Il évoque aussi dans ce livre d’autres questions d’actualité telles que l’émigration, la littérature notamment celle togolaise, la situation critique du Togo, la lecture, la littérature, la vie ailleurs que chez soi.
Il invite les jeunes togolais à ne jamais baisser les bras pour « manque de moyens » parce que « cette terrible phrase… terrasse des destins et cloue des vies ». Il fait remarquer qu’il n’y a pas de « Togolais qui n’a pas encore entendu ce bout de phrase ». C’est dire donc que « le malaise est général, profond. A la fois gangrène et rengaine » P.12 C’est ce qui fait qu’au Togo, « Partir du pays « devient » presque une affaire nationale ». Il conclue avec tristesse que « Ce pays ne va pas bien » parce qu’il « qui répulse ses enfants ». « La honte ! » s’exclame-t-il par la suite.
Pour finir, il est à noter que ce livre est destiné beaucoup plus à la jeunesse, l’invite à l’effort, au travail ; il l’invite à « arracher sa peau (métaphoriquement parlant) pour nourrir ses rêves »
car « la faim ne peut rien devant une bande de copains aux rêves debout »P.16 L’auteur invite aussi les jeunes à oser, à rêver, à imaginer leurs vies, à tirer la langue au destin. Il invite le lecteur à apprendre « à dire non sous toutes ses formes. Non à ceux qui veulent te mettre à genou avant de te porter secours. Non au sexe à but lucratif. Non à ceux qui t’invitent aux vices pour survivre. Non à la paresse. Non aux plaintes lamentables. Non à l’abandon. Non à la mendicité. Non à l’imitation servile. Non à la soif démesurée du matériel. Non au paraître. Non à l’argent gratuit. » P19-20 parce qu’il nous expose à la « redevance, dette, douleur, blessure ou projet et manipulation secrets, auxquels tu feras face à court ou à long terme »P20. Il recommande aux jeunes la résistance au désespoir, à dompter la pression sociale, à faire attention à la croyance aveugle, éviter le fanatisme footballistique, à éviter la migration clandestine, à aimer l’écriture et la littérature, à faire attention à l’amour etc.
Je vous dis pourquoi ce livre m’a marqué…
J’aime ce livre. En toute honnêteté. En toute sincérité. En toute franchise. Parce qu’il touche ma sensibilité. Parce qu’il me parle. Parce qu’il me réveille. Parce qu’il me parle. Parce qu’il confirme mes idées douteuses et infirme celles erronées et égarantes. Parce qu’il me procure du plaisir. Parce qu’il me fait revivre mon passé tout aussi difficile. Parce qu’il me rappelle qui je suis et d’où je sors. Parce qu’il convoque mon cœur et mon âme puis les questionne. Parce qu’il me révolte par endroit. Parce qu’il me fait voir mes erreurs. Parce qu’il m’informe du lourd tribut à payer et du grand sacrifice à consentir pour atteindre le succès.
Anas, malgré les difficultés rencontrées a franchi le Rubicon. Et toi, jeune. Qu’attends-tu ? Lis Traces de parcours.
J’ai trop aimé ce condensé. Cela me rappelle aussi mes traces que je n’ai pas pu mettre vsur écrit.
Merci pour votre commentaire, il est important que vous repreniez cette passion, j’ai vivement envie de vous lire très prochainement.