février 16, 2025

Récépissé No 0054/HAAC/07-2022/pl/P

Dr. Anoumou Amékudji décortique « Perdre le corps » de Théo Ananissoh

L’ouvrage « Perdre le corps » achevé en 2020 et rendu public en janvier 2021 retient l’attention de Dr. Anoumou Amékudji dans cette chronique culture. Le livre est écrit par l’écrivain togolais Théo Ananissoh et édité par les éditions Gallimard (collection Continents noirs).

Théo Ananissoh

Avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous faire une brève présentation de l’auteur ?

L’écrivain togolais Théo Ananissoh a beaucoup voyagé à travers le monde. Né en République centrafricaine, il y a vécu jusqu’à l’âge de 12 ans avant de rejoindre le Togo, le pays natal de ses parents. En 1986, il se rend en France pour ses études de maîtrise de lettres modernes puis de doctorat en littérature générale et comparée. Une fois ses diplômes obtenus, il enseigne le français dans les collèges de l’Académie de Versailles, avant d’aller élire domicile en Allemagne à partir de 1994. Théo Ananissoh a enseigné la littérature africaine francophone à l’Université de Cologne de 1996 à 2001. Parallèlement à l’enseignement, Théo Ananissoh a écrit beaucoup d’œuvres littéraires dont les romans tels que Lisahohé, Un reptile par habitant, Ténèbres à midi, L’invitation, Le soleil sans se brûler, Delikatessen. Dans ses œuvres, Théo Ananissoh évoque les problématiques du retour au pays natal, les dérives sociopolitiques dans l’Afrique postcoloniale, la condition féminine.

L’ouvrage

De quoi est-il question dans ce septième roman de Théo Ananissoh ?

Jean Adodo, 56 ans, revient à Lomé après 37 ans passés en Suisse. A Forever, son quartier, il voit souvent passer un jeune voisin du nom de Maxwell Sitti, qui exerce le métier d’agent immobilier communément appelé au Togo, démarcheur. Un jour, il invite chez lui ce jeune voisin de 28 ans. Il lui propose de séduire une certaine Minna contre rétribution conséquente.  Très intrigué au départ par cette proposition, Maxwell Sitti finit par accepter parce qu’en tant qu’agent immobilier, il peine à gagner sa vie dans une ville de Lomé de magouilles et de vices. Mais quand il rencontre la jeune et belle Minna à son lieu de travail, il tombe fou amoureux d’elle. La beauté de Mina l’a mis dans un grand embarras parce qu’il est devenu après tout un ami de Jean Adodo qui lui a confié la mission de séduire Minna.

Maxwell découvre très vite que Minna n’est pas la petite amie de Jean Adodo. Le cinquantenaire ne la connaissait pas vraiment, il l’a à peine vue une ou deux fois dans un magasin de pressing où elle travaille.  Le jeune homme se prête volontiers à ce jeu d’autant que la femme en question est belle et désirable. Mais il ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’intention cachée de son richissime interlocuteur. Quelle intention se cache derrière cette mise en scène périlleuse ? Qui est Jean Adodo, au juste ? Au lecteur de chercher cette fable sur l’amitié, la confiance et le courage, pour mieux comprendre pourquoi Jean Adodo a demandé une telle mission à Maxwell Sitti.

Pourquoi le livre est intitulé Perdre le corps ?

Un extrait à l’attention des auditeurs avant mon interprétation. « Perdre sa capacité à bander à cinquante ans ! Mais c’est perdre tout son corps ! Immense catastrophe ! Cela me fait penser à mon père décédé à quarante-huit ans. Renversé par un moto-taxi conduit par un pauvre gars camé. Mort brusque, brutale. Le matin, en quittant la maison pour l’école, il était bien portant. M. Adodo perd son épouse, puis sa virilité. Amer. Dieu vous donne ceci et vous retire cela, sans raison. » Le lecteur découvrira au fil des pages de ce beau livre qui traverse tout le Togo, qu’après un accident vasculaire cérébral, Jean Adodo a vu ses capacités sexuelles diminuer considérablement.  L’impact de l’accident vasculaire cérébral sur la vie sexuelle de Jean Adodo voudrait signifier en d’autres mots perdre son corps, étant donné que la maladie ne nous permet plus d’être maître de notre corps voire de notre esprit. C’est le sens littéral qu’on peut donner au titre du livre Perdre le corps. Mais selon Théo Ananissoh lui-même, dans un entretien, perdre le corps peut être compris comme la nécessité qui permettrait de mieux le posséder car comme il est dit dans la Bible, si le grain ne meurt pas, il ne peut pas se regénérer en plante qui produirait beaucoup plus de grains. Par cette réflexion, Théo Ananissoh invite les futurs lecteurs de son livre d’aller au-delà du premier sens qu’on peut avoir du titre Perdre le corps.

Qu’est-ce que les lecteurs et particulièrement les Togolais devraient garder de la lecture du roman Perdre le corps ?

C’est un roman qui traite de la maladie, de l’amitié et de l’amour. Le personnage de la belle et séduisante Minna est une métaphore du Togo. Comme je l’ai dit plus haut, Jean Adodo par un subterfuge amène Maxwell Sitti à aimer éperdument Minna, puis à visiter tout le Togo. Cela veut dire métaphoriquement que Jean Adodo amène le jeune Mawell Sitti, qui était prêt à quitter son pays, à plutôt l’aimer à travers l’amour pour Minna. En somme, au-delà de l’amitié entre Maxwell et Jean Adodo et de l’amour entre Minna et Maxwell, Théo Ananissoh invite le lecteur togolais à aimer son pays doté d’une grande richesse culturelle.

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